Venise, les pieds dans l'acqua alta
L'Acqua alta est un phénomène que tout bon vénitien redoute, tout en le sachant aussi inéluctable qu'humide.
Il s'agit d'une rapide montée d'eau, liée à la marée et à divers processus naturels accentués par la modification humaine de la lagune. Les siècles précédents ont vu peu d'alertes, mais leur fréquence augmente désormais. Le maximum de 2 mètres fut atteint en 1966 avec quasiment la totalité de Venise sous les eaux, devant un monde consterné qui commencé à réfléchir à la préservation de cette cité qui fut, un temps, le centre du monde.
Un grand (coûteux) projet nommé MOSE a été mis en place par l'état italien pour la sauvegarde de Venise, consistant en l'installation de portes amovibles gigantesques aux trois principales entrées de la lagune (Lido, Chioggia, Malamocco) pour ralentir le flux d'eau.
J'ai pu assister à l'une des plus hautes acqua alta, avec +150 cm d'eau : Venise, dans la brume froide, se révèle alors différente, hors des périodes touristiques estivales, survivante et pleine de chefs-d'oeuvre en péril. Tout est ralenti, endormi, chacun guettant la baisse du niveau, et faisant attention de ne pas tomber au prochain pas dans un canal.
Les photos suivantes ne traduisent que très peu la réalité, les endroits les plus submergés restant hors de portée.
Du côté des vénitiens, qui se réveillent avec de l'eau jusqu'aux gnocchi, trois actions se mettent en place :
- des passerelles surélèvent certains passages, elles sont stockées en permanence dans plusieurs emplacements de la ville et déployées au besoin dans les endroits critiques
- des petits "barrages" protègent, tant bien que mal, les rez-de-chaussée des maisons et palais, autant dire que chaque porte en est dotée, même si de plus en plus d'autochtones déménagent dans les étages supérieurs.
- des bottes sont sorties pour pouvoir se déplacer là où la profondeur n'est pas excessive ; les étrangers ont droit à des sacs plastiques, faute de mieux.
Armé d'un sac à l'étanchéité précaire, il ne reste plus qu'à faire de lents pas dans différents niveaux d'eau pour passer d'un pont à l'autre :
Une carte précise de la hauteur du sol vénitien a été dressée, elle permet de savoir quels sont les passages à risque et là où l'on peut se déplacer. On peut ici y constater que la place St Marc (en bas à droite) et les environs du Rialto (en haut à gauche), points les plus "célèbres" sont aussi parmi les plus bas.
Il reste ceux qui n'ont pas de chance : les participants d'une course à pied... qui a tout de même lieu dans l'eau.
Il n'y a plus qu'à espérer que les plans de préservation de la lagune soient appliqués. Ce n'est pas encore gagné, par exemple en continuant à faire rentrer d'énormes paquebots qui provoquent remous et érosion du sol.
Oui, le campanile de Saint Marc est caché derrière ce monstre.
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